« Les Gay Games m’ont apporté : des ami-e-s, une grande famille, et des médailles ! » A 35 ans, Cécile Lambert s’apprête à participer à sa troisième édition des Gay Games. Impliquée depuis 2009 aux Front Runners de Paris*, elle est aujourd’hui co-capitaine de l’équipe de France pour la Fédération Sportive Gaie et Lesbienne (FSGL) et référente triathlon de Paris 2018. Pour nous, elle revient avec enthousiasme sur sa participation aux manifestations sportives LGBT où elle a concouru et nous parle de son attente de Paris 2018. Propos recueillis par Maël Coutand |
Comment se sont déroulés tes premiers Gay Games en 2010 à Cologne ?
C’était une super expérience notamment grâce à la taille raisonnable de Cologne. Toute la ville était aux couleurs des Gay Games ; il y avait des affiches partout, des drapeaux gays sur tous les immeubles importants, etc. Tou-te-s les athlètes se baladaient avec leur badge d’accréditation dans la ville, ce qui nous permettait de nous reconnaître directement dans la rue, quand on circulait entre les épreuves et les villages sportifs. J’ai noté une super ambiance entre nous, tout le monde se disait bonjour, c’était convivial, le tout dans une ville qui avait l’air « so friendly » !
Le village des coureurs était en plus très chouette. Dans le village sportif, qui était lui-même très bien fait, il y avait tous les soirs de quoi manger, de quoi boire, en mode guinguette, des concerts et des spectacles ; c’était super. Ces lieux nous ont permis de rencontrer beaucoup d’athlètes d’autres pays, avec qui nous sommes toujours en contact pour certain-e-s, quasiment dix ans après. On s’est ensuite revus à chaque Gay Games, et je sais que je vais les revoir sur Paris 2018.
C’était vraiment une semaine de fête. La journée, nous allions voir les différentes épreuves, pas forcément uniquement les nôtres. Le soir, je me souviens de fêtes mémorables, et notamment la soirée filles qui était dans un vieux bâtiment transformé en boîte sur quatre ou cinq étages, avec de la musique et un monde fou.
As-tu perçu des différences d’ambiances entre les différentes éditions des Gay Games auxquelles tu as assisté ?
Cologne et Cleveland était vraiment différents ; Cleveland est beaucoup plus étendu, il y avait de longs temps de trajets, ce qui nous permettait de croiser moins d’athlètes. En revanche, comme la ville n’avait pas l’habitude de recevoir autant de milliers de touristes en si peu de temps, toute la municipalité était bénévole. Les gens de la ville étaient très chaleureux-se-s et ravi-e-s qu’on soit là. Tout cela a permis de rassembler une équipe de bénévoles qui allait bien au-delà des réseaux sportifs LGBT.
Je retiens également de Cleveland la Cérémonie d’Ouverture ; elle était vraiment magique, digne des Jeux Olympiques, avec même un message vidéo de Barack Obama qui nous souhaitait la bienvenue ! La Cérémonie d’Ouverture de Cologne était aussi enthousiasmante, grâce au défilé qui faisait la part belle à toutes les nationalités et leurs drapeaux.
Pourquoi t’es-tu lancé dans l’aventure Gay Games en t’inscrivant en tant qu’athlète la première fois ?
Quand je suis rentrée au club des Front Runners en 2009, tout le monde se préparait à partir aux OutGames de Copenhague. Je n’y suis pas allée mais tous les échos que j’ai reçus ensuite au sujet de cet événement étaient vraiment très positifs. Tou-te-s les participant-e-s que je connaissais m’ont dit que c’était une super expérience. En plus de cela, je commençais à être bien impliquée dans tous les événements sportifs LGBT, c’était donc naturel pour moi de m’inscrire aux Gay Games de Cologne l’année d’après. Nous étions au moins une vingtaine du club à nous inscrire. Au final, j’ai tellement adoré cette expérience que c’était juste une évidence de m’inscrire aux Gay Games suivants.
Y a-t-il une ambiance différente par rapport à d’autres compétitions ?
Clairement, oui, et ce dès le démarrage. Dès la Cérémonie d’Ouverture, on ressent le poids de tout l’historique des Gay Games, et plus largement toute l’histoire des discriminations et les luttes LGBT. On retrace les difficultés à monter une telle manifestation à San Francisco en 1982. C’est toujours très poignant car il y a notamment toujours un mot pour les homosexuel-le-s décédé-e-s du SIDA. On sent l’appartenance à une grande famille.
Pour moi, c’est important de rappeler tout cela. Cela explique les raisons pour lesquelles nous faisons des Gay Games. On le fait pour se retrouver entre nous, parce que l’on subit encore des discriminations dans d’autres compétitions sportives, parce que l’on a encore des luttes et des revendications. On le fait pour continuer ce que nos prédécesseur-e-s ont démarré ; leurs raisons sont toujours d’actualité. Je ne vois pas un Gay Games où l’on n’évoquerait pas le poids de cet historique.
En tant qu’athlète, se prépare-t-on différemment pour ce genre de compétition ?
On ne se prépare peut-être pas un an à l’avance, sauf peut-être si c’est pour faire une performance spéciale. Pour les Gay Games, je me prépare en général plutôt 3 mois en amont, comme pour une compétition classique.
Le niveau global n’est pas extrêmement élevé, en tout cas dans l’athlétisme. Tout le monde peut s’inscrire aux épreuves même si le sport en question n’est pas sa spécialité, et c’est aussi l’intérêt de la manifestation. On s’inscrit à ces épreuves pour le fun ; l’ambiance est très ludique, tout le monde peut s’essayer aux sports, tout le monde s’encourage. C’est très convivial.
Pourquoi recommandes-tu de participer aux Gay Games ?
Les Gay Games sont vraiment une expérience spéciale par rapport aux compétitions sportives non-LGBT parce que c’est vraiment une grande famille. Quand tu croises d’autres athlètes, tu parles beaucoup plus facilement avec eux-elles que sur d’autres événements. Tu peux rencontrer des gens que tu vas ensuite rencontrer sur d’autres compétitions du même type. C’est une ambiance particulière, quel que soit la ville hôte.
Avec le recul, qu’est-ce les Gay Games t’ont apporté ?
Principalement beaucoup de rencontres, avec des gens qui pratiquent le sport comme moi, et qui sont LGBT comme moi, mais qui viennent d’autres pays. C’est un sentiment d’appartenance à la famille LGBT, avec la dimension militante, qui est importante dans ma vie. Cela m’a apporté : des ami-e-s, une grande famille, et des médailles !
Par rapport à tes précédentes expériences de Gay Games, comment entrevois-tu Paris 2018 ?
J’étais au départ assez sceptique sur le choix de Paris pour accueillir des Gay Games. Je me disais qu’il s’agissait déjà d’une ville LGBT-friendly, donc c’était l’opposé de villes hôtes comme Cleveland, où la tenue des Gay Games a vraiment contribué à changer les mentalités à propos des LGBT. J’étais sceptique aussi car la ville est un peu grande, cela diluerait donc les rencontres entre sportifs.
Mais après discussions et réflexions, je pense qu’il s’agit vraiment d’un bon choix. Paris est une ville qui va permettre aux Gay Games d’attirer beaucoup plus d’athlètes et de bénévoles de tous les pays. Le choix de la ville est symboliquement important pour certaines personnes.
Par ailleurs, le village sportif va être dans le Marais, ce qui va permettre de ne pas éloigner les participants et surtout d’animer la communauté sportive.
Cela va aussi être une édition spéciale du fait des bâtiments et monuments de Paris, qui vont permettre un certain prestige. La cérémonie d’ouverture devrait par exemple se dérouler dans la nef du Grand Palais ! Cela devrait être assez grandiose.
Que penses-tu du choix de Hong-Kong pour 2022 ?
Comme pour Cleveland où les mentalités étaient peu ouvertes aux questions LGBT, Hong-Kong va sûrement rencontrer des difficultés d’intégration des Gay Games dans le réseau urbain, mais l’effet sera sûrement très bénéfique en termes de préjugés sur les gays. Au niveau géographique, c’est une très bonne chose que l’Asie accueille à son tour cette manifestation, c’est la première fois. Les Etats-Unis les accueillent très régulièrement mais je pense qu’il faut vraiment que les différents continents soient impliqués.
Peux-tu résumer selon toi Paris 2018 en trois mots ?
Prestigieux – Inclusif – Festif
* Fondée en 1992 et membre de la Fédération Sportive Gaie et Lesbienne (FSGL), les Front Runners de Paris sont un club de course à pied ouvert aux gays, lesbiennes, bi-e-s et trans et leurs ami-e-s.